Musculation : le facteur douleur

Quand vous commencerez à vous entraîner, certains vous diront que faire une série « jusqu’à l’échec » est le moyen le plus rapide pour améliorer son physique. D’autres affirmeront qu’aucune sensation ne vaut celle de la brûlure qui se manifeste lorsqu’on pousse les muscles jusqu’à la limite de ce qu’ils peuvent endurer. Réussir par l’échec ? Trouver du plaisir dans la douleur ?
Échec (ou « épuisement musculaire ») ne signifie ni défaite ni absence de succès. Au contraire, ce terme désigne l’incapacité de terminer, dans sa totalité, la phase positive (contraction) d’une répétition avec une forme d’exécution stricte et sans aide extérieure.
Réaliser un certain nombre de reps sans interruption, c’est faire une « série. » Pendant tout l’exercice, la contraction des muscles est déclenchée par des impulsions électriques envoyées par le système nerveux central aux fibres musculaires par l’intermédiaire des neurones moteurs (Un moto-neurone et les fibres musculaires qu’il innerve constituent un ensemble appelé « unité motrice. ») Au fur et à mesure qu’on avance dans la série et que certaines de ces unités motrices commencent à être « hors circuit » d’autres sont recrutées pour venir en aide : ce phénomène intervient essentiellement au cours de la phase t positive de la rep, ce qui a une incidence importante sur les douleurs musculaires consécutives à l’entraînement et que l’on examinera plus loin.

Pas de progrès sans douleur ? C’est à voir !

L’entraînement augmente également l’activité cardiaque et, au cours d’une série, l’organisme va redistribuer le sang des zones inactives vers les muscles qui sont mis à contribution par la charge. En même temps qu’ils bénéficient d’une irrigation sanguine accrue, les muscles sollicités vont être le lieu de production d’acide lactique, composé terminal issu de la dégradation du glycogène. L’accumulation de ces métabolites, conjuguée à la restriction de l’irrigation sanguine qui intervient lors d’une contraction musculaire, provoque cette douleur particulière associée au bodybuilding : une sensation de brûlure dans les muscles exercé, est souvent appelée “congestion.”
Bien que cette “brûlure” soit pénible pour la plupart des pratiquants de la musculation, les débutants en particulier, elle n’est pas néfaste. Et les facteurs qui causent cette sensation induisent aussi la congestion qui, pour de nombreux bodybuilders, est ce qui apporte la plus grande satisfaction à l’entraînement. Cela dit, d’après Frederick C. Hatfield, ancien champion national et champion du monde de powerlifting et président de l’Association internationale des sciences du sport, obtenir une congestion n’est pas une condition nécessaire pour devenir plus fort et plus musclé : “les facteurs qui contribuent à la congestion : engorgement sanguin, accumulation d’acide lactique, etc – peuvent stimuler en partie la croissance musculaire, mais ne sont nullement un préalable indispensable. Petit à petit, les mêmes forces qui amènent la congestion, provoquent également la fatigue musculaire et, à la longue, l’épuisement musculaire. Sur ce point, de nombreux bodybuilders affirment catégoriquement qu’on ne fait pas assez pour stimuler les muscles si on s’arrête avant ce stade ultime, mais c’est, là encore, une contrevérité. La nécessité de s’entraîner jusqu’à l’échec pour stimuler le développement musculaire, comme certains le préconisent, est totalement absurde. Actuellement, rien ne tend vraiment à prouver que l’entraînement jusqu’à l’échec musculaire intensifie la force, la puissance ou l’hypertrophie (croissance musculaire).

Épuisement et D.M.D

Nul doute que de nombreux pratiquants débutants ont toutes les raisons de s’arrêter avant l’échec musculaire. Tout d’abord, quand vous en êtes au point où vous ne pouvez pas achever la phase positive de la rep, vous provoquez une forte tension musculaire au cours de la phase négative ou phase excentrique. C’est alors que le tissu musculaire est particulièrement vulnérable aux micro traumatismes responsables des douleurs musculaires différées (D.M.D). Au cours de la partie excentrique du mouvement, le nombre d’unités motrices activées est plus faible si bien que la même résistance est répartie sur moins de fibres musculaires. Vous ne ressentirez pas obligatoirement les lésions du tissu musculaire pendant l’entraînement; en général, l’endolorissement s’installe progressivement au cours des 24 à 72 heures qui suivent. Certaines courbatures consécutives à l’entraînement sont pratiquement inévitables quand on commence à s’entraîner, mais des douleurs musculaires différées très violentes peuvent être handicapantes et persistantes.
Comme ces lésions se produisent pendant la phase négative de la rep, les débutants devront se méfier non seulement d’un entraînement poussé jusqu’à l’épuisement musculaire, mais aussi des répétitions forcées, les séries dégressives, les répétitions partielles et autres techniques d’intensification. Quand,on débute, on ne peut tout simplement pas imposer au corps une tension excentrique prononcée. C’est cela qui cause le plus de microtraumatismes. Les débutants doivent essayer de minimiser la tension excentrique et progresser petit à petit vers un plan d’entrainement plus perfectionné. Bien sûr, il vous arrivera de ne pas pouvoir faire la dernière rep et de connaître l’épuisement musculaire, mais ce genre de situation devra être envisagé comme secondaire plutôt que comme un objectif d’entraînement.
Heureusement, s’il est vrai que les courbatures différées diminuent la force à court terme, elles ne semblent pas avoir de conséquences préjudiciables durables. Pour minimiser cet endolorissement et éviter le surentraînement, commencez avec des charges relativement légères et n’oubliez pas l’échauffement avant l’entraînement et le retour au calme après votre séance. Pour les petits muscles comme les biceps ou les triceps, faite 1 série d’échauffement. Pour les gros muscles comme les pectoraux et les cuisses, faire 2 séries. Cela fait des dizaines d’années que l’on apprend aux pratiquants de culture physique qu’il faut étirer les groupes musculaires avant de les exercer, mais il est plus important d’augmenter la température corporelle en s’échauffant sur un tapis de jogging ou sur un stepper, précise Marie Plageman, ATC, LCEp kinésithérapeute ayant une grande expérience dans le traitement de la traumatologie du sport. Les débutants n’ont pas l’habitude de faire travailler leur corps en amplitude complète et voilà qu’ils le font d’un seul coup, avec en plus, un effort en résistance,’ explique-t-elle. Donc, si les muscles ne sont pas chauds, le risque de blessure est élevé. Si vous avez régulièrement des courbatures après l’entraînement malgré ces précautions, vous devez sûrement vous surentraîner. Quelle qu’en soit la cause, ne travaillez pas de nouveau ce groupe musculaire tant que la douleur n’aura pas disparu.
Tout ceci peut sembler contredire les articles dans lesquels des bodybuilders de haut niveau déclarent qu’ils s’entraînent régulièrement jusqu’à l’échec musculaire et même au-delà. Mais sachez que ces individus ont formé leur corps qui est à même de supporter des entraînements aussi rigoureux et d’en tirer des effets bénéfiques, alors que le vôtre n’est pas capable d’en faire autant, du moins pas encore. L’entraînement a rendu leur tissu musculaire non seulement moins sujet aux lésions qui provoquent les D.M.D mais également apte à réparer ces traumatismes plus rapidement quand ils ont lieu. Cette réponse adaptative peut finir par devenir un outil puissant dans la panoplie de techniques du bodybuilder.
Sachez aussi que certains de ces gars qui se targuent de faire ces entraînements surhumains finissent, un jour ou l’autre, par se blesser gravement – ce dont ils se gardent bien de se vanter !

Correction de la forme et régularité

Si vous continuez à vous entraîner, il arrivera un moment où vous pourrez probablement mettre à profit le travail négatif et autre technique de grande intensité. En attendant, n’oubliez pas que les vrais bienfaits de l’entraînement s’accumulent au fil du temps; aussi impatient que vous soyez, rien – sauf les blessures – n’arrive du jour – au lendemain ! Quand on se force à faire une série jusqu’à l’échec, c’est la correction de la forme d’exécution qui en subit le contrecoup, c’est à dire précisément l’élément qu’un débutant peut le moins se permettre de sacrifier à ce stade. Développer une technique correcte pour toute une gamme d’exercices est l’une des difficultés majeures lorsqu’on se lance dans le culturisme et si vous n’avez pas 1 un ami ‘qui s’y connaît’ ou un partenaire d’entraînement pour vous montrer la technique correcte, pensez à faire appel à un entraîneur personnel, au moins jusqu’à ce que vous ayez acquis une certaine maîtrise. Avec la correction de la forme, c’est probablement la régularité qui est la qualité la plus importante que l’on puisse acquérir quand on débute. Ici aussi, un entraînement jusqu’à épuisement musculaire suivi de douleurs qui peuvent très bien subsister pendant des jours, devient contre-productif. Pour mettre en place des bases solides pour vos progrès futurs, exercez tous les groupes musculaires environ trois fois par semaine. Mais si, le lundi soir, vous faites une séance que vous qualifierez ‘d’enfer’ et que vous constatez, le samedi suivant, que vous n’avez pas pu vous entraîner pendant tout ce temps à cause de courbatures différées, qu’est-ce que cela vous aura apporté?

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